Lois des clans Tchétchènes

rédigé par Oezda Qam

Un ensemble de règles régissaient le comportement des individus en société. Mais des règles concernaient également les clans, les tayps.
Au nombre de 8 pour Avtorkhanov ou encore 23 pour Mamakaev, comprendre ces règles permet de mieux comprendre les tayps et leur fonctionnement.

Nous allons voir ces caractéristiques dans l’ordre de Mamakaev, avec l’avis de Avtorkhanov, Nataev, et des autres chercheurs.

1 → Unité et inaltérabilité des relations entre chaque membre du tayp

Plusieurs chercheurs le comprennent comme l’interdiction de transgresser les règles établies par les tayps. Du côté Daghestanais par exemple, chaque village établissait ses propres adats (lois coutumières) alors que chez les tchétchènes, les Adats avait une valeur nationale, le but de ce mode d’organisation étant la protection des intérêts à la foi individuels et communs.

2 → droit foncier communautaire
Comme le dit Mamakaev, fin XVIIeme siècle nous retrouvions encore dans les montagnes tchétchènes des terres arables détenues par l’ensemble du tayp. En revanche, par la suite les terres se sont divisées par famille.
3 → déclaration de vengeance par chaque membre du tayp en cas de meurtre ou d’atteinte publique à la réputation d’un membre du tayp.
Selon Mamakaev lorsqu’un grief était commis, le conseil du tayp de la victime se réunit en compagnie de sa famille et met au clair les circonstances du grief. Au même moment, le conseil de tayp du coupable se réunit et cherche un moyen de réconciliation. Si la réconciliation est acceptée, une compensation est versée selon la gravité de l’acte et l’importance du tayp. Si la réconciliation n’est pas acceptée, le tayp ayant subit le grief choisis la vengeance par le sang.
En réalité c’est un peu faux selon Nataev. Il n’y a que la proche famille de la victime qui est concernée par la vengeance, en aucun cas le tayp entier. Autrement, si le tayp entier déclarait vengeance, il y aurait eu de réels massacres.
4 → Interdiction formelle de mariage entre les membres d’un même tayp 

Selon Mamakaev, les mariages étaient interdits entre les membres d’un même tayp, et interdit entre les membres de deux tukkhums différents. Cela pour garantir une lignée saine et nombreuse. Cependant, puisque la mère venait forcément d’un tayp différent, il était également déconseillé de marier les proches du côté maternel sur au moins 3 générations.

En réalité, c’est strictement faux. Plusieurs tayps ne respectaient déjà pas du tout cette condition, et le mariage était déconseillé entre les membres d’un même lignée, donc sur 9 générations du côté paternel, et 5 du côté maternel selon Nataev. Pour Avtorkhanov cette règle là s’est affaiblit.

5 → Entraide mutuelle
Avtorkhanov est également d’accord avec cette règle. En cas de de situation particulière, les membres du tayp devaient pouvoir compter sur les autres membres.
6 → Deuil général pour la mort d’un membre du tayp
Mamakaev et Avtorkhanov s’accordent aussi sur cette règle. Mais en réalité, selon Nataev, le deuil concernait surtout les proches du défunt. Et il ne s’agirait pas d’une caractéristique du tayp, mais d’une simple coutume, signe de solidarité.
7 → Un chef de Tayp dirige le Tayp
Selon Mamakaev un chef de tayp dirigeait le tayp et le conseil des anciens. Cependant, les décisions ne lui revenaient pas et revenaient au conseil dans son ensemble.

Pour Dalgat, le tayp n’était pas dirigé par un chef mais par un conseil composé de tous les chefs. Les Tchétchènes et les Ingouches ont des chefs de la cour (famille). Et ce chef là ne s’occupait que des problèmes de sa cour.

Selon Nataev, un tayp pouvait avoir un chef, mais uniquement lorsqu’il était composé de très peu de membres et donc était vraiment un groupe lié par le sang ou la parenté.
En ce qui concerne l’affirmation de Mamakaev, les recherches montrent que les tayps, comme nous les connaissions à cette période et bien avant, n’avaient pas de chefs. Il rejoint l’avis de Dalgat en disant que les problèmes individuels se réglaient par les chefs représentants chaque cour « цьханна ц1ийна нах», mais qu’ils se réglaient lors d’un conseil constitué de chacun de ces représentants lorsque le problème touchait le tayp de manière générale.

8 → Le choix du chef, fait par le libre accord des membres du Conseil des anciens, n’est pas héréditaire.
Là encore on reprend ce qui a été dit précédemment. Si un chef de tayp n’existe pas, alors cet adat n’est pas valable.
Toutefois, dans le folklore tchétchène existent les termes Père du Pays (Мехка Да) et Mère du Pays (Мехка Нана). Ce n’était pas un couple, mais des personnes élues.
Le Père du Pays organisait la défense du pays, l’administration du pays, et le respect des lois. La Mère du Pays quant à elle s’occupait des questions liées à l’éducation des enfants, la moralité et les bonnes mœurs.
Selon Nataev, en temps de guerre, un Père de la Guerre (Т1еман Да) était élu. Pour l’aider, il y avait les chefs de guerre (баьчча) et les Murkkhis (муркхи). Du côté des dires de Mamakaev, en temps de guerre c’est un chef de guerre qui est élu.
9 → Chaque tayp a son propre Conseil de clan (Тайпан кхел)
Composé des aînés, ce conseil permettait de résourdre les problèmes liés au clan en général.
10 → Les membres du Conseil des Aînés sont élus pour leurs grandes qualités et parmi les personnes âgées respectées, indépendamment du patrimoine détenu
Selon Mamakaev un chef de tayp dirigeait le tayp et le conseil des anciens. Cependant, les décisions ne lui revenaient pas et revenaient au conseil dans son ensemble.
11 → Le Conseil des Aînés se déroule à ciel ouvert
Chaque membre du tayp a le droit de prendre la parole, donner son opinion et participer au débat. En revanche, seul les aînés ont le droit de voter les décisions.
12 → Tous les membres du Conseil des Aînés ont les mêmes droits
Il n’existe pas de hiérarchie entre les aînés du conseil, chacun compte pour une voix.
13 → Le tayp a le droit de remplacer et destituer ses représentants et chefs de guerre
Puisqu’ils n’ont la fonction que de servir la population, il revient à la population la décision de les laisser à leur position ou non.
Selon Nataev, les principes 7 à 13 ne sont en réalité pas des principes propres au tayp. Il s’agissait de principes d’autogestion de chaque unité structurant la société.
Et en ce qui concerne le chef du tayp, il n’existerait, selon lui, aucune preuve de son existence
14 → Les femmes sont représentées par les hommes de la famille lors des conseils

Selon Mamakaev et Avtorkhanov, les femmes ne prennent pas part au débat lors des conseils et les hommes parlent en leur nom.
Il est tout de même à noter que selon Nataev, le rôle de la femme est très sous-estimé dans les écrits à l’ère soviétique, et vous pouvez lire cette ébauche sur la place de la femme dans la société traditionnelle.

15 → Droit d’intégration d’un étranger dans un tayp

Lors d’une cérémonie, un tayp pouvait intégrer, adopter des membres. Pour ça, ils devaient donc tuer un taureau et étaient appelés « сту бийна хилла вежарий » – « ceux devenus frères en tuant le taureau ». Le nom de ces nouveaux membres était formé sur la base de leur origine, par exemple Mousa le Koumyk, et celui des tchétchènes aborigènes était formé sur la base de leur ancêtre le plus proche, ou encore à partir de leur tayp d’origine. Ces membres pouvaient utiliser les terres communes, et celles qui leur appartenaient déjà. Mais ils recevaient surtout la protection et l’aide du tayp.

L’initiative et le droit d’adopter des membres d’autres tayp appartenait aux ménages (c1a) et non au tayp. Il y a eu des cas de refus d’accepter d’autres personnes dans le tayp, par exemple quand le ménage prenant l’initiative avait un trop faible revenu, ou encore que le membre avait été expulsé de son tayp d’origine après avoir commis une faute grave.

16 → Transfert des biens du défunt aux membres du tayp

Les biens du défunts allaient aux membres de sa famille et les proches.
En revanche, les biens de grande valeur et personnels étaient, tel que l’armure de guerre, étaient enterrées avec le défunt.
Pour ça, Nataev nous apprend qu’il est difficile de considérer ce principe là comme une loi puisque cette tradition existait déjà avant et était répandue chez d’autres. De plus, avec l’Islam, les défunts n’emportaient plus aucun bien dans leurs tombes.
17 → Chaque tayp porte un nom issu de l’ancêtre fondateur
En réalité, l’origine du nom du tayp ne venait pas d’un ancêtre fondateur mythique. Le nom pouvait avoir plusieurs origines telles que la zone géographique, ou la spécialisation du tayp.
18 → Chaque tayp occupe un territoire spécifique et avait une montagne en son nom
Selon Mamakaev, chaque tayp devait avoir sa propre montagne, à l’exception des tayps non tchétchène d’origine.
Mais en réalité ça n’était vrai qu’au départ. Seul 84 tayps ont leur montagne selon Nataev. Certains tayps ont même plusieurs montagnes à leur nom.
19 → Chaque tayp a une tour érigée par son ancêtre fondateur
En l’absence d’une telle tour, ou en tout cas d’une structure naturelle (grotte) ou artificielle pour se défendre, le tayp n’avait pas le droit de se considérer comme d’origine tchétchène .
Kosven dit même qu’il y avait dans chaque village autant de tours que de patronymes (famille patronymique).
Ce principe là s’est conservé dans les montagnes, mais perdu dans les plaines selon Nataev.
20 → Chaque tayp a sa divinité
Il est vrai que les Tchétchènes et les Ingouches avaient des divinités pour tout, avec en son sommet « Dala », qui a fait l’objet d’une rapide publication sur la page.
En revanche, si chaque tayp avait eu ses divinités, cela devait remonter aux temps plus anciens.
21 → Chaque tayp a ses festivités liées à ses divinités
Selon Nataev, cela ne figure ni dans les folklores, ni dans les preuves matérielles étant donné que les divinités étaient propres à tous les Tchétchènes et Ingouches.
22 → Chaque tayp a son cimetière spécifique
Ceci était vrai au départ, cependant, avec le temps, la migration, la présence de plusieurs tayps dans un seul village, ces cimetières sont devenus des cimetières collectifs.
23 → L’hospitalité des tayps
Mamakaev et Avtorkhanov voient en l’hospitalité une caractéristique du tayp.
En revanche, Nataev explique que l’hospitalité n’est pas un principe du tayp mais une coutume importante et partagée entre les peuples du Caucase.