La femme dans la société traditionnelle

rédigé par Oezda Qam

La société Tchétchène et Ingouche, hier et aujourd’hui, est indéniablement très centrée autour de l’homme.
L’homme endosse publiquement des rôles enviés par la femme moderne, et cela en conduit même certain à penser que l’homme est au dessus de la femme.

Cet article est l’ébauche d’un futur article plus complet, une simple dissertation.

La réalité est bien au contraire que la femme occupe une place d’honneur et digne dans la société traditionnelle. Par exemple, lorsqu’une querelle éclatait entre deux hommes et que rien ne semblait les arrêter, il est largement connu qu’ils étaient obligés d’arrêter le conflit et de détourner les regards dès qu’une femme jetait le foulard de sa tête.
Il y a également une coutume, mal vue dans la société occidentale moderne mais qui avait tout à fait sa place dans la société traditionnelle Tchétchène, impliquant que l’homme ouvre toujours la marche lorsqu’il est accompagné d’une femme. Aujourd’hui, la règle dans les sociétés occidentales est plutôt de laisser la femme passer devant, c’est un principe du code du gentleman. Mais dans une société où le danger pouvait surgir à n’importe quel moment, l’homme avait le devoir de protéger la femme et pour cette raison il se devait d’ouvrir la marche et rencontrer le danger en premier.

La haute place de la femme dans la société traditionnelle Tchétchène et Ingouche se reflète également dans plusieurs proverbes et autres coutumes plus ou moins appliquées aujourd’hui. Mais ce rôle de femme au foyer à laquelle on limite grossièrement la femme s’expliquait avant tout par une nécessité de répartir les rôles dans une société qui fonctionne sans souveraineté. L’historien Khasiev rapporte d’ailleurs un témoignage à ce sujet de la part d’une femme de 120 ans, mariée à l’âge de 18 ans:

« Dans le foyer des Tchétchènes, la femme n’était pas une servante, comme on avait l’habitude d’entendre, mais une maîtresse souveraine. Libérée du travail dur et dangereux, elle se consacre entièrement à la famille, à l’éducation des enfants, et son rouet ainsi que son aiguille à coudre sont comme une hache et une charrue pour son mari. »

Mais en réalité, cette segmentation des rôles ne se retrouve pas uniquement entre homme et femme, mais dans toute la société. Chaque individu de la société, et même les clans, si l’on en croit Nataev, avait un rôle. Cette segmentation était une nécessité pour la prospérité et la pérennité de sociétés traditionnelles comme celles-ci. Également, pour appuyer les propos de cette femme, nous pouvons dire que la femme avait le droit au divorce. Et s’il s’avérait que le divorce était causé à cause du mari, alors la femme recevait une partie des biens acquis conjointement. Par la suite, avec l’Islam la femme a acquis d’autres avantages, par exemple, selon Mamakaev, avec l’Islam la femme a eu droit d’hériter de son mari, ce qui n’était pas le cas encore selon lui.

Dans son ouvrage, Nataev nous explique également que l’homme qui subissait la vendetta, la vengeance par le sang, pouvait y échapper en touchant l’ourlet de la robe d’une femme, car il était sous sa protection. Pourtant, la vendetta était une affaire bien sérieuse que l’Islam a eu du mal à effacer.
D’ailleurs, selon la tradition qui nous est rapportée, pour le meurtre d’une femme la vendetta s’exercait sur deux personnes et non une.
De même, un grief qui avait été commis dans un foyer, tel qu’un vol, était bien plus sévèrement puni qu’un grief commis à l’extérieur. Certains des auteurs y voient là, en plus du reste, une preuve que la femme avait acquis un statut et un respect bien privilégié puisque le domaine public était le domaine des hommes tandis que la femme était “souveraine” pour ce qui conçernait le foyer.

Nataev nous rapporte également que selon la tradition Tchétchène, il existait le statut de Mekhka Nana, Mère de la nation. Mekhka Nana était responsable des adats qui établissent l’ordre dans la famille et la vie des Tchétchènes. Mais contrairement à ce qu’on peut croire, Mekhka Nana n’est pas la femme du Mekhka Da (Père de la nation). Selon la légende, le Mekhka Kkhel (conseil de la nation) élisait la femme la plus digne et respectée parmi les Tchétchènes.

D’ailleurs, la femme n’était pas moins importante dans la société sur le plan publique, et la société savait la reconnaître à sa juste valeur. Mais avec une segmentation des rôles, on nous explique simplement que par manque d’expérience, les femmes étaient indéniablement moins compétentes pour exercer certaines fonctions.
Mais cette généralité n’est pas vraie dans tous les cas, et nous avons par exemple, dans notre panthéon de héros, Taymaskha Gekhinskaya. Féroce guerrière, elle a combattu l’armée du Tsar pendant 10 ans en commandant des hommes l’ayant choisis.

Il est vrai en revanche que la femme ne participait pas directement aux conseils de clan, mais sa voix était entendue à travers l’homme de son foyer. Bien-sûr, l’homme pouvait faire preuve de malhonnêteté et ne pas transmettre ce que sa femme/fille a dit, mais dans ce cas il n’exerçait pas réellement son droit puisqu’on lit très largement que l’homme devait prendre en compte et respecter l’avis de chaque membre mature de son foyer, y compris les femmes.

Si l’on se penche maintenant dans les légendes et les histoires de la plupart des peuples, le mauvais rôle est autant attribué aux femmes qu’aux hommes, et parfois certains rôles sont même réservés aux femmes. En revanche, il est rare de trouver dans le folklore et les légendes Tchétchènes et Ingouches une femme qui endosse le mauvais rôle. La femme prend toujours ce rôle de soutien et de guide pour l’infortuné. Dans les légendes tchétchènes, elle peut également maîtriser les éléments de la nature, mais toujours dans le souci de venir en aide et de guider. Ce rôle que la femme endosse dans les légendes est le rôle que la société traditionnelle a attribué à la femme. Dans la société traditionnelle, la femme était un pillier pour le peuple, et en témoigne notamment la réponse attribuée à Taymin Beybulat lorsqu’il lui fut demandé comment il été parvenu à être aussi respecté.

Malgré tout, il est compréhensible que dans l’ancien temps, certains voyaient en la femme du Caucase une esclave, et certains écrivaient même que la pire condition pour une femme se trouvait dans ces montagnes. C’est compréhensible puisque la connaissance des peuples si traditionnels pouvait être un réel casse-tête. Mais alors, comment expliquer qu’encore aujourd’hui encore, alors que la connaissance de nos peuples est très facilité, certains étrangers décrivent la femme Tchétchène et Ingouche comme inférieur en droit et en pouvoir, alors même que le but de ces étrangers n’est pas de dénigrer les sociétés Tchétchènes et Ingouches ?
Mes lectures m’ont simplement appris qu’avec l’avènement de l’URSS, le rôle de la femme a profondémment changé. La tradition et la religion devant être mis de côté au profit de l’intérêt commun socialiste et soviétique, la différenciation des rôles ne se faisait plus et chacun devait travailler pour le développement de la république. Avec un changement si profond dans les rôles, et un abandon forcé de la culture, le statut de la femme a changé dans les sociétés modernes du temps de l’URSS.
Malgré tout, l’importance et le respecte que la société accorde d’une manière générale à la femme n’a pas changé. Aujourd’hui encore nous constatons régulièrement que l’atteinte à l’honneur d’une femme peut être très sévèrement puni par des hommes parfois même étrangers à celle-ci.