L’ethnonyme Nakhche

Selon les travaux de Khassan Bakaev

rédigé par Oezda Qam

Dans son travail « О древности этнонима Нахче », Khassan Bakaev tente de nous expliquer l’origine du nom ethnique Nakhche, et de nous en démontrer son ancienneté, et donc aussi la légitimité de cet ethnonyme sur les autres.

Cet article n’est basé que sur le travail de Khassan Bakaev et ne montre donc qu’une version. D’autres articles pourront être consacrés à d’autres travaux et d’autres versions.

<Dans le texte « La géographie Arménienne du 7eme siècle » le peuple Nakhchamatian est mentionné comme faisant partit des peuples de la Samartie asiatique. K.P. Patkanov aurait fait le lien entre ce peuple et l’auto-désignation « Nakhche » des Tchétchènes. Il écrit que la syllabe « Mat » se retrouve par exemple dans Sarmate, Yaksamat, Hechmatak, désigne la Terre, le pays, et que « Ian » (Iank) faire référence à l’ethnie en Arménien. Il ne reste donc que « Nakhche », qui est connu comme étant l’appellation des Tchétchènes.

Aujourd’hui, nous connaissons surtout l’appellation Nokhchi et non Nakhche, mais l’utilisation de cette première forme ne se serait faite qu’à partir des premières décennies du 20eme siècle avec l’uniformisation de la langue littéraire tchétchène alors que jusque là, la forme « Nakhche » dominait les écrits.
L’historien R.D. Arsanukaev écrit «Aujourd’hui, la forme «nakhchuo» n’a survécu que dans les dialectes de la langue tchétchène. Cependant, dans des sources écrites bien connues jusqu’au début du XXe siècle, seule cette forme d’auto-désignation des Tchétchènes est donnée, ce qui nous amène à le considérez comme la forme ancienne et originale».

Cependant, l’abkhaze Gumba note que dans certaines sources historiques figurait aussi l’orthographe Nakhmatiank, et non Nakhchmatiank. Il en est donc venu à conclure que cette autre forme est la forme authentique, et que ce ne serait donc pas le pays des Nakhche mais des Nakhs.
Or, Khassan Bakaev explique à cela que les formes très populaires « Nakh » pour désigner les Ingouches, Tchétchènes et Batsbi, ainsi que « Vaynakh » pour désigner les Tchétchènes et les Ingouches, ne trouvent leur légitimité en tant qu’ethnonyme nul part dans les sources anciennes, ni même dans le folklore.

En fait, bien que les formes « Nakhs » et « Vaynakhs » ne soient apparus que récemment, Bakaev nous explique que la désignation Nakhche était une désignation communes et ne concernait pas seulement les Tchétchènes. Ainsi, il donne plusieurs citations dans lesquelles il est affirmé que les différentes sociétés étaient communément désignée par ce nom, dont en voici un seul exemple probant :
Le président de la Commission archéographique du Caucase E.G. Weidenbaum a écrit: «Dans les anciens actes diplomatiques russes datant des XVIe et XVIIe siècles, le peuple michkiz est mentionné dans les montagnes le long du Terek. Par la suite, lorsque les troupes russes ont visité le Terek, les noms des Tchétchènes et des Kystes sont apparus, enfin, en nous familiarisant plus étroitement avec les montagnards de la moitié orientale du versant nord de la crête du Caucase, nous avons appris l’existence des Galgais, des Gligvians, des Ingouches, des Karaboulaks, des Nazraniens, des Ichkerins, des Aukhs et bien d’autres populations.
Après des recherches linguistiques, il s’est avéré qu’ils constituent tous une ou plusieurs tribus, qui se nomment Nakhchiy, mais dans notre pays, il sont maintenant connu sous le nom de Tchétchènes. Tous les noms ci-dessus font références soit aux subdivisions tribales de ce peuple, soit sont attribués par nous selon les noms de villages (par exemple Nazran et Tchétchène) et de localités (Aukh, Ichkerin), soit, enfin, l’appellation que donnait le peuple voisin. ».

Mais puisqu’il existait déjà un nom pour désigner l’ensemble de ces tribus, il est légitime de se demander l’origine de l’émergence de l’ethnonyme « Nakh ». Khassan Bakaev nous explique qu’on la doit au linguiste Yakovlev en 1929, et il le cite :
«Un Tchétchène et un Ingouche, chacun parlant dans sa langue maternelle, se comprennent sans difficulté. Nous constatons une telle proximité dans d’autres manifestations de la culture nationale des Tchétchènes et des Ingouches. … Mais ici, tout d’abord, nous rencontrons l’absence d’un nom commun pour un groupe de peuples et de langues aussi étroitement liés, que sont les Tchétchènes et les Ingouches, ainsi que les tsovatushi en Transcaucasie et les Orshtkhoys (Karaboulaks) qui se sont installés en Turquie. La nécessité d’un seul nom commun, qui, comme le terme « Adyge », qui unit tous les Circassiens, s’appliquerait à l’ensemble du groupe de peuples tchétchènes-ingouches, a suffisamment mûri tant du point de vue des besoins de la science que pour unir les travaux sur leur construction culturelle et nationale. Un des travailleurs nationaux locaux Zaurbek Malsagov, dans une lettre m’étant adressée, a suggéré de regrouper les Tchétchènes et les Ingouches dans le groupe « Nakh », leurs langues « les langues Nakhs », le nom étant issu du mot « Nakh » qui signifie « Peuple » ».

Ainsi, bien que le mot « Nakh » existe bel et bien dans la langue, son sens ethnonymique n’a été introduit dans le monde scientifique que récemment par Yakovlev.

Au même moment où Malsagov et Yakovlev introduisaient l’ethnonyme Nakh, Bashir Dalgat, très célèbre expert et ethnographe du Caucase, écrivait à ce sujet :
« Maintenant, et les Kabardes (shashan), et les Ossètes (tsatsan), et les Russes, et les Tchétchènes eux-mêmes utilisent le nom de «Tchétchène» dans leurs relations avec les autres peuples. Mais les individus eux mêmes se nomment « Nakhchoy » depuis leur installation dans les plaines […] Ce nom est aussi très souvent utilisé par les Ingouches eux-mêmes pour se désigner, et peut donc être tout à fait utilisé comme un nom collectif du peuple, avec le mot « Tchétchène » […] Il serait donc très correct, en laissant le nom des Tchétchènes et Ingouches pour certaines parties de ce peuple, de les appeler tous Nakhchoy »

L’historien Bulatbiev d’ailleurs souligne un autre argument qui rend illégitime l’utilisation, même dans les études scientifiques, du mot « Nakh » comme ethnonyme en se basant sur ce mot directement.
En effet, un ethnonyme doit avoir une forme singulière et une forme pluriel, or, le mot « Nakh » n’existe qu’au pluriel, et de ce fait il nous est non seulement impossible de désigner un individu unique appartenant à ce peuple, mais en plus, il n’y a pas non plus de forme masculine/féminine. Ainsi, l’ajout d’un suffixe devient nécessaire, comme par exemple le suffixe -che/ -chi qui désigne la personne, l’individu.
Cet argument, en plus de montrer la nécessité de s’en tenir à l’ethnonyme « Nakhche » et non « Nakh », montre aussi le problème que présente l’affirmation de Gumba lorsqu’il dit que la forme réelle n’était pas « Nakhchmatiank » mais « Nakhmatiank ».

Les arguments montrant l’ancienneté de l’ethnonyme « Nakhche » et l’innovation de la forme « Nakh » sont encore nombreux dans l’ouvrage de Khassan Bakaev. Mais alors qu’aujourd’hui « Nakhche » est souvent utilisé comme appellation pour les tchétchènes uniquement, les arguments qui montrent que cet ethnonyme désignait autant les Tchétchènes et les Ingouches sont d’autant plus nombreux .