Jonkha de Benoy

Un homme de parole

Rédigé par Oezda Qam

Essentiellement transmise à l’orale, il est néanmoins possible de retrouver des traces écrites sur cet homme, notamment la mention de sa présence dans la bataille de Dargo.
De mon côté, c’est une version de son histoire qui m’a été personnellement rapportée par l’une de ses descendante que je vais raconter.

Jonkha, de la branche Jobi Neq̇i, est né à Benoy au début des années 1800. Dans sa jeunesse, avec son ami ils s’étaient promis qu’aucun d’eux ne quitterait le champ de bataille vivant si l’un venait à y perdre la vie.
En 1845 commence la bataille d’Ichkerie contre l’armée de Vorontsov à Dargo. Cette bataille dans laquelle Boysġar a perdu son bras, Jonkha y a perdu son ami. Fidèle à sa promesse, il continua le combat.

Se tenant sur une montagne de cadavres, une épée dans une main, et un bouclier dans l’autre, il vit au loin 12 soldats ennemis. Parvenant à en tuer plusieurs, il finit tout de même par se faire transpercer à la baïonnette et jeter dans une flaque pour succomber de ses blessures.

Son corps gisant sur le sol fut transporté le lendemain à la mosquée et y resta toute la journée. Mais le jour suivant, l’homme qui devait s’occuper de son corps remarqua qu’il ne présentait pas les caractéristiques habituelles d’un cadavre et demanda qu’une plume d’oie lui soit apportée. La tenant sous son nez, ils s’aperçurent que Jonkha était toujours en vie.

Ayant repris connaissance et récupéré de ses blessures, la culpabilité rongea Jonkha. N’étant pas mort lors de cette bataille, pour lui, il avait trahit la promesse faite à son ami.
Refusant de vivre plus, un conseil religieux de célèbres ulémas dû se tenir, et ils conclurent que sa promesse, Jonkha ne l’avait pas rompue car lorsque son corps, inconscient, avait été ramené à la mosquée, il était présumé mort. C’est handicapé et avec 54 blessures qu’il sortit de cette bataille, dont la plus petite était un doigt sectionné.

Avant de prendre part à cette bataille, Jonkha avait accepté un mariage. Le mois de mars qui suivit, l’oncle de cette fille ainsi que ses fils rendirent visite à la famille de Jonkha. Une visite plutôt tendue puisque le père de cette fille reprochait à la famille de Jonkha de ne pas être venue pour elle. Accusant la famille de ne pas avoir de considération à leur égard, ou bien Jonkha de ne pas être un homme. Se sentant insulté, le père de Jonkha sortit son épée et affirma que Jonkha souhaitait ce mariage mais qu’il était désormais handicapé. Malgré cela, la fille accepta ce mariage et l’épousa.
Elu Kadi (juge) de Benoy, il eu 7 fils : Noha, Midal, Abdulrahman, Hussein, Hossein, Abdul-Wahab et Ayub. L’un de ces fils, Abdul-Wahab, eu à son tour 4 fils, dont Djabrail, arrière grand-père de la personne m’ayant rapporté cette histoire

Vers 1863-1864, l’armée tsariste ne laissant pas Jonkha et sa famille en paix, il décida de quitter son poste de Kadi et partir pour la Turquie. Mais ne se sentant pas en état de continuer, lui et son oncle Noham s’arrêtèrent au dessus Saadi Kotar en envoyant le reste de la famille en Turquie. Le territoire sur lequel ils s’installèrent devint Benoy Kotar.

Enterré dans le cimetière à l’entrée de Grozny, la pierre tombale de Jonkha aurait été préservée. Lorsque les Tchétchène avaient été déportés, les communistes utilisaient les pierres tombales pour la construction et pour paver les rues. Mais privilégiant les pierres rectangulaires, ils laissaient de côté les pierres tombales arrondies comme celle de Jonkha.

Toutefois, une autre version raconte que Jonkha a été exilé de force et que sa pierre tombale a bel et bien été utilisée, mais qu’elle a été remplacée par la suite.